Enquête Vivre avec un haut potentiel : faire de cette particularité une force
En bref
- Apprendre que l’on est haut potentiel et vivre avec n’est pas toujours facile. Entre pression sociale et sensation de décalage permanent, difficile de trouver sa place. Dans tous les cas, ne restez pas seul. Le haut potentiel n’est pas une fatalité.
Surdoué, zèbre, précoce… tous ces noms, pas toujours très justes, renvoient à la même particularité présente chez certaines personnes : le haut potentiel. Toute personne qui possède des facultés intellectuelles nettement supérieures à la moyenne de la population, a un haut potentiel. La moyenne est fixée à 100, les hauts potentiels possèdent un QI d’au minimum 130. Sophie* a passé le test à 30 ans. « Je ne connaissais pas le terme haut potentiel. Je parlais de surdoué mais je ne m'associais pas à ce terme parce que j'avais l'image du petit génie, doué en tout. Même si j'ai toujours été très bonne à l'école, il y avait des domaines où j'étais moins performante ».
Être haut potentiel ne signifie pas être bon partout. Le test de détection du haut potentiel détermine des niveaux dans différents domaines. « Sous un QI se cachent des indicateurs très différents dans des domaines spécifiques. On peut, par exemple, être très bon en compréhension verbale et moins bon en visuo-spatial » explique Nathalie Clobert, psychologue spécialisée dans le haut potentiel.
Pour Sophie, être haut potentiel c'est « appréhender le monde d'une certaine manière. Une majorité de personnes l'appréhende d'une façon. Moi je l'appréhende différemment ».
Comment identifier le haut potentiel ?
« Certains indices peuvent mettre la puce à l’oreille mais cela ne vaut pas une évaluation par un spécialiste » prévient Nathalie Clobert.
Les signes peuvent être très divers. Certains sont liés à l’âge. Pour les enfants, par exemple, il peut s'agir de l’apprentissage de la parole ou de la lecture très jeune ou l’intérêt porté à des sujets pointus (les sciences, l'astronomie, la paléontologie…). « Mes grands-parents m'ont offert un livre de lecture » raconte Périne. « C'était le soir de Noël et au lieu de jouer avec mon frère, je me suis enfermée dans ma chambre. Vers la fin de la soirée, je suis retournée voir ma famille et je leur ai lu la dernière page du livre alors que je n'avais jamais appris à lire. C'est à l'âge de 6 ans qu'on a découvert que j'étais haut potentiel ».
L'indice premier selon Nathalie Clobert, « c'est d'avoir de bons résultats scolaires. Mais attention parce que, notamment au collège, comme les performances intellectuelles ne sont pas spécialement valorisées, il arrive que des adolescents à haut potentiel normalisent leurs performances pour se rendre plus acceptables auprès de leurs pairs ». C'est ce qu'a fait Périne. « J'avais de très bons résultats scolaires, même sans beaucoup réviser. Ça créait des jalousies avec mes camarades de classe. Je ne travaillais pas beaucoup chez moi dans l'espoir d'avoir une mauvaise note pour enfin me sentir un peu comme les autres ».
Un autre indice, très souvent partagé par les personnes à haut potentiel : le sentiment de décalage. « Il peut exister à tout âge, qu'il s'agisse d'un décalage dans les centres d'intérêts ou parce qu'on a l'impression d'aller toujours plus vite que les autres » précise Blandine Berthet, psychologue clinicienne. Pour Périne, le décalage était surtout présent à l'adolescence. « Pendant que mes camarades s'intéressaient aux sorties entre amis, aux cartes pokémon ou aux chevaux, moi j'étais passionnée de sciences et d'histoire ». Même sentiment pour Sophie. « Au collège, la mode, les garçons me passaient un peu au-dessus. Je pense qu'au niveau émotionnel je manquais de maturité mais au niveau intellectuel je m'intéressais à des sujets qui ne parlaient pas à mes amis. Quand vous lisez en 6e "1984" de George Orwell, vous avez du mal à trouver quelqu'un de votre âge pour en parler ».
Quoi qu'il en soit, si vous vous posez des questions, n’hésitez pas à vous renseigner sur le haut potentiel. « La première chose à se dire c’est que vous avez le droit de vous interroger » rassure Blandine Berthet. « Il n'y a pas de honte à se demander si on est haut potentiel intellectuel et ce, même si l'hypothèse devait être infirmée. Souvent, on a de bonnes raisons de se poser des questions ».
Ce n’est pas parce que vous ressentez un de ces signes, que vous êtes forcément haut potentiel. Seul un test passé par un psychologue pourra vous apporter une réponse. Voir un psychologue peut être intéressant « pas forcément dans l'optique de passer un test » précise Blandine Berthet. « Parce que pour passer le test, il faut être prêt. Ce n’est pas facile comme démarche. Mais en rencontrant un psychologue, vous pourrez au moins poser vos questions ». Cela permettra d'explorer et développer une meilleure connaissance de vous-même.
Être haut potentiel, et alors ?
Comment vivre avec un haut potentiel ? Pour Sophie, les résultats du test l'ont désemparée. « J'étais très émue parce que ça expliquait beaucoup de choses sur moi que je n'avais pas compris avant. J'en ai un peu voulu à mes parents de ne pas l'avoir vu et en même temps je me suis sentie soulagée de poser enfin un mot sur quelque chose que je pressentais. Avec le test, j’ai compris comment fonctionne mon cerveau. Ça n'a pas changé ma vie, mais ça m'a permis de mieux me connaître ».
Pour Périne, qui a grandi en se sachant haut potentiel, « j'avais tellement de facilités que je n'ai jamais appris à apprendre. Ça m'a joué des tours dans l'enseignement supérieur où j'ai échoué en classe prépa parce que j'étais entourée d'étudiants qui étaient habitués à réviser, relire leurs cours… ».
Pour Nathalie Clobert, « c'est normal de ramer un petit peu pendant ses études, même quand on est haut potentiel. Ce n’est pas parce que vous êtes surdoué que vous allez tout réussir, tout de suite et sans effort ».« Ce n'est pas parce qu'on est surdoué que l'on n'a pas le droit d'échouer » rajoute Blandine Berthet. « Durant l’enfance il y a la peur de décevoir ses parents. Et à l'âge adulte, c’est le sentiment de ne pas avoir aussi bien réussi que les espérances de l’entourage. Ce n'est pas parce qu'on est, a priori plus performant, qu'on doit toujours l'être ».
Sophie s'est posée beaucoup de questions. « Le fait d'avoir un potentiel, on se dit qu'il faut forcément en faire quelque chose. Je n'ai pas l'impression d'avoir accompli des choses extraordinaires. Est-ce que pour autant j'ai raté ma vie ? ». Aujourd'hui Périne est mécanicienne dans l'armée. « Je fais un métier que j'adore et je peux mener la vie que je veux à côté. Je continue d'assouvir ma soif de culture en voyageant par exemple ».
Être haut potentiel ne vous définit pas entièrement. « Pour moi c'est une particularité comme par exemple le fait d'être gaucher » explique Sophie. « On n’est pas que notre intelligence on est plein d'autres choses aussi » rappelle Nathalie Clobert. « Quand ils le savent et se l'approprient c'est une super ressource mais il faut aussi se dire qu'ils ne se réduisent pas à ça. Il faut rester ouvert à ce qu'on est d'autre et notamment écouter d'autres besoins ».
Réussir à écouter ses envies. Peut-être une des clés pour faire de son haut potentiel une force. Quelle que soit la voie que vous choisissez, suivez-là parce que vous le voulez. « Le haut potentiel colore une vie mais ça ne définit pas un individu. On ne change pas à partir du moment où on est identifié comme étant haut potentiel. Par contre, son regard sur soi va changer » conclut Blandine Berthet.
* le nom a été changé.