Un peu de hauteur Profession couvreur-zingueur : portraits croisés de ces funambules urbains

Zoé Ruffy
Publié le 17-12-2024

En bref

  • Le savoir-faire des couvreurs-zingueurs parisiens vient d’être inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
  • Plus qu’une reconnaissance, c’est un espoir d’attractivité pour une profession qui manque de candidats.
  • Un métier d’avenir que présentent Julien, Antoine et Ambroise, tous passionnés de patrimoine comme de hauteur.
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Antoine, Julien et Ambroise, 3 générations de couvreurs-zingueurs travaillent sur les toits de Paris Crédit : Caroline Féral Palma - CIDJ

Un savoir-faire reconnu à l’international

Originaire de Chartres, Julien Tramblay s’est installé à son compte dans la capitale en 2009. “Je suis pourtant passé par pas mal de villes comme Angers, Saint-Étienne, Romorantin, Lyon, Épernay ou encore Toulouse. Mais la seule ville qui me plaît vraiment, c’est Paris.” Son architecture, ses monuments historiques, ses immeubles haussmanniens et surtout ses toits gris sur lesquels le couvreur-zingueur rêvait de travailler dès ses 15 ans. Envie de hauteur ? Pas seulement, c’est le matériau qui l’a attiré. Car ce revêtement, généralisé lors de la refonte de Paris par le préfet Haussmann, confère non seulement aux toits parisiens leur couleur unique, mais impose un tour de main particulier pour le manipuler. Une fierté française en somme, saluée par l’UNESCO qui vient d’inscrire le savoir-faire des couvreurs-zingueurs parisiens à son patrimoine culturel immatériel. De quoi ériger ces “couturiers des toits” au rang d’emblème tricolore au même titre que les boulangers et leur baguette de pain. Cette distinction, Julien la salue et y voit “un beau message pour les jeunes” alors que son secteur souffre d’un déficit de main-d'œuvre. Rien que dans la capitale, près de 500 professionnels manquent à l’appel chaque matin, selon le ministère de la Culture.

"J’ai travaillé sur des édifices de dingue, se targue le chef d’entreprise, dont pas mal de monuments historiques comme l’Assemblée nationale, mais aussi Disneyland et des décors de cinéma !” Pourtant, ce métier, Julien ne l’a pas vraiment choisi, car c’était celui de son père. “En gros, après la classe de troisième, c’était couvreur… ou l’armée”, se souvient le quarantenaire qui n’est tombé sous le charme de la profession qu’au fil de sa formation et de ses stages en entreprise. “C’est un beau métier, qui est à la fois manuel, intellectuel et artistique”, précise-t-il. Un métier qui offre une certaine liberté. “On est dans notre bulle ici”, sourit-il, en contemplant, depuis son échafaudage perché sur le toit d’un immeuble de la très chic Avenue Montaigne, la vue imprenable sur Paris. D’un côté, la tour Eiffel. De l’autre, la basilique du Sacré-Coeur. “C’est vrai qu’il y a pire comme bureau !” renchérit Antoine, salarié. À 28 ans, le jeune homme s’est vu confier les clefs de ce chantier long de huit mois. “Il faut remettre à neuf l’isolation, les toits”. Une mission supplémentaire pour le Parisien, qui a commencé dans l’entreprise de Julien, en qualité d’apprenti, douze ans plus tôt. Il l’avoue, il a découvert l’existence même de cette profession par hasard : “J’ai arrêté l’école à 15 ans, car ce n’était pas trop mon truc”, confie-t-il. C’est lors d’une participation aux journées portes ouvertes des Compagnons du devoir que le garçon découvre sa vocation. “J’ai tout de suite kiffé. Depuis, je m’amuse vraiment tous les jours”.

Cette passion pour leur travail, Julien comme Antoine ont à cœur de la transmettre à la nouvelle génération, incarnée par Ambroise, fraîchement arrivé sur le chantier en septembre 2024 avec, pour tout bagage, un brevet des collèges. À 16 ans, l’alternant rêve, lui aussi, de monter sa propre entreprise dans quelques années. “Mais il va falloir s’accrocher !” prévient son patron. Si la transmission des gestes et des techniques demeure indispensable, pour perdurer, le métier doit aussi se renouveler et s’adapter aux nouveaux enjeux de transition écologique. Matériau léger et peu onéreux, ce qui explique qu’il recouvre 80 % des toits parisiens, le zinc n’est pas exempt de critiques. Sa conductivité thermique est pointée du doigt, car elle nécessite une isolation importante pour éviter les déperditions énergétiques. Malgré tout, ce matériau, recyclable à 100%, “a encore de beaux jours devant lui”, assure Julien Tramblay. “Et s’il le faut, on le repeindra en blanc” pour limiter l’absorption de la chaleur. Chargée de poser des isolants performants en dessous des combles, toute la profession participe de fait aux économies d’énergie. “On protège les gens du froid l’hiver, des canicules l’été”, et des intempéries aussi, qu’on ne compte plus en ce mois de décembre 2024, particulièrement pluvieux. Pas de quoi décourager pour autant Julien et son équipe. Un conseil. À l’occasion d’une prochaine balade dans la Ville lumière, levez donc les yeux au ciel pour apprécier les acrobaties de ces funambules des villes. Le spectacle se déroule aussi en haut.

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