Agressions sexuelles dans les fêtes, les trucs à savoir pour se protéger

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Agressions sexuelles dans les fêtes, les trucs à savoir pour se protéger

Couvercle de verre, application d’alerte en cas de danger, nom de code pour demander de l’aide… Si vivre dans la crainte d’une agression sexuelle n’a rien de rare, développer des dispositifs pour s’en protéger en milieu festif reste nécessaire. Pas de répit l’été.

Cette nuit-là, un drame a été évité. Témoin d’une tentative de soumission chimique sur sa cousine lors d’une soirée, Julie raconte : « J’ai tout de suite repéré qu’elle n’était pas dans son état normal ». Ce que les analyses sanguines confirmeront par la suite en révélant la présence de GHB, appelée drogue du violeur. Depuis, Julie ne quitte plus son verre des yeux et garde même « une main dessus ». Un brief précède désormais chaque sortie avec ses amies. « On récapitule les points de vigilance ».

D’après un sondage de l’association Consentis, près de 60 % des femmes — contre 10 % des hommes — ne se sentent pas en sécurité dans un lieu festif. Leur crainte ? Subir des violences sexuelles. À raison, car la même proportion de femmes affirme avoir été victime de harcèlement et d’agression à caractère sexuel. La déferlante #MeToo, #Balancetonporc, #Balancetonbar témoigne de la persistance de ce type de violences à l’encontre des femmes. Elles n’épargnent aucun milieu professionnel, aucun espace public, ou privé comme les établissements pour faire la fête.

Parce que la notion de consentement semble loin d’être acquise par tous, échafauder des plans entre amis pour rester en sécurité même en milieu festif apparaît comme une réponse. En parallèle, bars, clubs, festivals, mais aussi associations et pouvoirs publics s’emparent de la question avec des dispositifs qui rassurent. En dépit de certaines limites.

Petites stratégies pour se prémunir des agressions sexuelles

Sortir entre amis pour décompresser, boire un verre ou danser… et élaborer des tactiques pour prévenir les agressions. Le lot de nombreux clubbeurs, fêtards ou festivaliers. D’abord, ne jamais se rendre seul à une soirée. « Je sors toujours accompagnée, comme ça on garde un œil les unes sur les autres », confirme Marion. Ensuite, baliser le terrain. « Lorsqu’on va dans un nouvel endroit, on se déplace systématiquement à deux une fois sur place, pour aller jusqu’aux toilettes, commander au bar ou danser sur la piste », déclare Julie.

Typhaine, elle, examine la configuration et la réputation du lieu. « Pour passer une bonne soirée, je m’assure auparavant que l’établissement corresponde à mes attentes. La tranquillité en fait partie », reconnaît-elle. La jeune femme explique avoir défini avec ses amis un code par texto pour les alerter en cas de besoin même si elle ne se sent « pas spécialement menacée à l’intérieur des lieux ». En revanche, ce qui l’inquiète plus, ce sont les problèmes d’insécurité à l’extérieur. « Il m’arrive de réquisitionner un proche ou un membre de ma famille pour venir me chercher quand je pars tard d’une soirée. »

Ce n’est pas tout de rester en sécurité durant la fête, encore faut-il pouvoir rentrer sans encombre. Et face au harcèlement de rue ou dans les transports, ce n’est pas une sinécure. Des mesures existent pour se protéger dans l’espace public. La SNCF met par exemple à disposition un numéro d’urgence, le 3117, accessible 24 h/24 et 7 j/7 (31 177 par texto). Un dispositif peu connu si on en juge par un rapide sondage mené auprès de jeunes flânant dans un centre commercial, un samedi après-midi. Et quand on rentre à pied, quels sont les moyens de protection ? Peut-être le co-piétonnage.

Quatre étudiantes brestoises peaufinent une application baptisée TySafe. Son concept ? Mettre en lien des personnes qui empruntent le même trajet pour revenir de soirée. « Il y a encore un peu de travail », admet Lisa, l’une des créatrices. En effet, comment s’assurer des intentions des individus qui s’inscrivent ? « Nous étudions toutes les possibilités conformes à la loi pour vérifier l’identité des utilisateurs. » En attendant, l’équipe a été sollicitée par le festival Astropolis à Brest pour organiser des pédibus — groupes de personnes qui se déplacent ensemble — entre la sortie du festival et le parking.

Il faut dire que la lutte contre le harcèlement et les agressions sexuelles et sexistes fait l’objet d’une préoccupation grandissante parmi les organisateurs d’évènements. Les initiatives émergent. Bar ou discothèques ne sont pas en reste.

Les lieux de fête s’organisent aussi

De l’avis de Typhaine, « les lieux festifs font ce qu’ils peuvent en matière de sécurité ». Même si certains pourraient agir plus, concède-t-elle. La jeune femme fait référence au code de secours aperçu dans les toilettes pour dames de certains bars. « Cette action est plutôt simple à mettre en place. Tous les bars devraient la proposer. » De quoi s’agit-il ? Originaire du Royaume-Uni, ce concept permet d’alerter le barman lorsqu’on est en danger en lui demandant « où est Angela ? » ou « connaissez-vous Angela ? » (« ask for Angela »). Le barman peut alors conduire la victime à l’abri, en appelant un taxi ou la police selon la situation. Le tout sans éveiller les soupçons de l’agresseur.

Les réseaux sociaux aidant, la combine s’est répandue partout dans le monde. Sous des formes variées. Fiona ne connaissait pas le concept jusqu’à ce soir de mai où elle tombe sur une affichette dans les toilettes d’un bar à Paris. En substance, le message informe de la possibilité de commander un cocktail au nom spécifique en cas de harcèlement. « Dans les lieux où je sors habituellement, ce genre d’initiative n’existe pas », réalise-t-elle alors avec regret.

De son côté, Julie estime que les bars devraient fournir systématiquement des couvercles de verre. Ces protections en silicone empêchent l’introduction de drogue comme le GHB. Des institutions publiques encouragent d’ailleurs leur utilisation. Depuis l’ouverture de la saison estivale, la Région Sud en distribue gratuitement aux professionnels de la fête des six départements qui la compose. Au total, 400 000 « capotes de verre » accompagnées d’affiches, de stickers et autres badges de sensibilisation pour lutter contre les tentatives de viol. En fin d’année dernière, à la faveur de la reprise des soirées étudiantes, l’université de Montpellier avait également investi dans ces protections.

Assurer la sécurité des personnes dans des bars ou des discothèques ne relève pas d’une mince affaire. Qu’en est-il des festivals dont la saison bat le plein en ce moment ? Brassant des milliers de fêtards simultanément et sur un terrain conséquent, ils ne sont pas épargnés par les violences sexistes et sexuelles. Et ce, malgré un staff chargé de la surveillance. Alors, quel gage de sécurité pour les festivaliers ? L’association Act Right veut apporter la solution. Elle entend rendre la fête plus responsable en fédérant les lieux festifs autour d’un label de qualité. Clubs, salles de concert, mais aussi festivals se montrent intéressés. « Nous formons les acteurs du monde de la nuit et des musiques actuelles à rendre leurs évènements plus sûrs, paritaires et respectueux de l’environnement », indique Marine Rodriguez.

Actions de prévention, de sensibilisation et de réduction des risques, mise en place de protocoles pour secourir et écouter les victimes de violences… les objectifs sont nombreux. Act Right étudie en ce moment les demandes reçues lors du dernier appel à candidatures pour intégrer le label.

Le festival marseillais Marsatac a, pour sa part, inauguré en 2019 l’application Safer à laquelle Act Rigth et Consentis ont participé. Aujourd’hui présente dans 35 festivals, cette appli géolocalisée permet de se signaler face à une situation de harcèlement ou d’agression. Une équipe de bénévoles en maraude sur le festival se déplace auprès de la personne ayant activé l’alerte. « L’enjeu ? Réduire le temps entre l’alerte et la prise en charge », déclare Marc Brielles, coordinateur de Safer. Une professionnelle de l’écoute tient une permanence sur le stand prévention afin d’accueillir et accompagner les personnes activant l’alerte ou tout festivalier qui en exprimerait le besoin.

« Je trouve rassurant de savoir qu’il existe toutes ces initiatives », affirme Fiona. Difficile pourtant d’en apprécier l’impact. Si elles sécurisent, elles ne peuvent représenter la seule réponse aux violences sexuelles.

Des bénéfices… et des limites ?

Une « capote de verre » évite-t-elle de devoir garder un œil sur son verre ? Un texto envoyé à ses amis parce que harcelée à l’autre bout du bar évite-t-il que les choses s’enveniment ? « Malheureusement, on fait face à de nouvelles manières d’agresser. C’est compliqué d’anticiper les piqûres qui sévissent dans les lieux de fête depuis quelque temps », constate Julie. Bien qu’elle trouve « judicieux les noms de code dans les bars pour alerter », Typhaine s’interroge : « une telle initiative ne devrait pas exister. Ce n’est pas normal d’avoir peur d’être agressée ».

Si elles répondent à un besoin immédiat de sûreté, ces initiatives ont leurs limites. Parce qu’on ne peut jamais prévoir avec certitude le déroulement d’une soirée. Parce que les plans préétablis sont susceptibles de changer au dernier moment. Parce qu’on est dépendant du bon fonctionnement de nos smartphones. Et de leurs batteries. Parce que c’est fatigant et usant de craindre pour sa sécurité. Parce que ça gâche la fête de rester sur ses gardes en permanence.

La diffusion des dispositifs de lutte contre les violences sexuelles contribue néanmoins à rendre plus visible aux yeux du grand public la charge portée par les femmes. Pour agir sur le fond et changer les mentalités, expliquer et diffuser la notion de consentement demeure capital. Afin qu’un jour, qu’on espère proche, il ne soit plus nécessaire d’imaginer moult stratagèmes pour revenir de sa soirée saine et sauve.

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 13-07-2022 / créé le 13-07-2022