Facteur aggravant Alcool et violences sexuelles font malheureusement bon ménage
En bref
- L’alcool s’avère un facteur déterminant dans plus de 50 % des agressions chez les étudiants.
- Près de 40 à 50 % des tentatives et agressions sexuelles se produisent en milieu festif.
- Un quart des étudiantes et un tiers des personnes LGBT+ déclarent avoir subi au moins une violence sexuelle depuis le début de leurs études supérieures, très peu portent plainte.
L’alcool et les lieux festifs exacerbent les vulnérabilités
La consommation d’alcool est impliquée dans près de la moitié à deux tiers des violences sexuelles au sein de la population étudiante. Dans ces situations, les auteurs comme les victimes ont bu. C’est ce que révèle une étude d’ampleur menée auprès de 67 000 étudiantes et étudiants d’université et grandes écoles françaises entre novembre 2023 et février 2024. D’après les estimations des victimes, l’auteur était alcoolisé dans 62 % des tentatives d'agression sexuelle et 56 % des cas d‘agressions sexuelles. Aussi dans 42 % des tentatives de viol et 43 % des viols. Pour leur part, les victimes se souvenaient avoir elles-mêmes consommé de l'alcool dans 47,5 % des cas de tentative d'agression sexuelle, 44 % des agressions sexuelles, 35 % des cas de viol et 37 % des viols. Ainsi, la prise d’alcool accroit la vulnérabilité des potentielles victimes, tandis qu’elle constitue un fait aggravant pour les auteurs, loin de les dédouaner. Et heureusement. L’étude montre aussi que les tentatives ou agressions sexuelles se produisent principalement en milieu festif (entre 40 et 50 %). Pas vraiment une surprise… malgré une certaine prise de conscience de la part de certains établissements ou de BDE qui tentent d’organiser des évènements respectueux, notamment en début d’année, en pleine période d’intégration. Car les violences sexuelles ont aussi leur saisonnalité. Elles s’accroissent en septembre, nettement en octobre (15-16 % des agressions sexuelles ou tentatives et 11-12% des viols ou tentatives) ainsi qu’en novembre. Au quotidien, elles se concentrent en fin de semaine, le jeudi, le vendredi et davantage le samedi. Et restent quatre à cinq fois plus fréquentes entre 23h et 3h du matin qu’en début de soirée.
Focus
« Je sors toujours accompagnée. Ainsi on garde un œil les unes sur les autres »
Sortir pour décompresser, quoi de plus normal ? Mais face aux agressions ou violences sexistes et sexuelles au sein des lieux festifs, les noctambules comme Marion se retrouvent à élaborer des stratégies pour une soirée « safe », à base de codes d’alerte entre amis, de déplacements en binôme… Quant aux organisateurs d’évènements, bars ou discothèques, ils multiplient eux aussi les initiatives de prévention : couvercle de verre, application d’alerte en cas de danger, nom de code pour demander de l’aide… Retrouvez notre enquête ici.
Les étudiantes et personnes LBGT+ en première ligne
Si les agressions sexuelles se produisent en milieu festif, les viols ou tentatives de viols ont le plus souvent lieu au domicile de l’agresseur ou de la victime. D’ailleurs, dans 40 à 50 % des cas, l’actuel ou ancien partenaire en est l’auteur. Alors que seuls 3 % des viols sont commis par un inconnu, les agressions sont essentiellement le fait de personnes rencontrées depuis peu, ou de simples connaissances dans 70% des cas. Qui sont ces agresseurs ? D’autres étudiants dans près de 70 % des cas d'agression ou tentative d'agression sexuelle et 60 % des cas de viols ou tentatives de viols. Et les victimes ? Plus d'un tiers des personnes LBGT+ et 24 % des jeunes femmes ont subi au moins une violence sexuelle depuis leur entrée dans les études supérieures. Seuls 9 % des jeunes hommes connaissent ce type d’atteinte… Dans le détail, 19 % et 5 % des étudiantes déclarent avoir subi respectivement une agression sexuelle et un viol. Une proportion qui grimpe sérieusement parmi les personnes transgenres, queer et non-binaires : 27 % (agressions sexuelles) et 10 % (viols). En comparaison, seuls 7 % des jeunes hommes déclarent avoir subi une agression sexuelle, et 1 % un viol. Pourtant, les plaintes auprès de l’administration universitaire ou des forces de l’ordre demeurent très rares, souligne l’étude. Seuls 2,5 % des cas d’agression sexuelle et 8 % des cas de viol ont conduit à un dépôt de plainte. La consommation d’alcool des victimes semble les dissuader dès lors qu’il s’agit d’agression sexuelle. En revanche, dans le cas d’un viol alors qu’elles étaient alcoolisées, les victimes déposent significativement plus fréquemment plainte que celles qui ne l’étaient pas. Le sentiment de culpabilité et de honte éprouvé injustement par les victimes augmente selon la gravité des actes subis, notent les auteurs de l’étude qui appellent à un renforcement de la prévention en milieu étudiant. Sur France Info, Jérôme Moreau, porte-parole et vice-président de l'association France Victimes, réclame des sanctions sur le plan universitaire en plus des mesures pénales : « Un élève qui triche à un examen peut se prendre jusqu'à cinq ans d'exclusion. Sur une affaire de viol, on doit aller beaucoup plus loin », plaide-t-il.