- Interview
La chanteuse Yoa lève les tabous sur la santé mentale
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À l’occasion de la première journée de la santé mentale positive, ce 15 mars, la jeune artiste Yoa revient sur son rapport à ses propres troubles psychiques. Avec les EP “Attente” et “Chansons tristes”, dont le second est sorti en novembre dernier, la chanteuse dévoile ses doutes et ses angoisses, sans artifice.
“Paroxétine m'étreint comme courant d'air, et m'aide à traîner mon squelette sur la Terre”. Yoa, diminutif de Yoanna, s’affirme depuis deux années sur la scène musicale française. Avec des chansons qu’elle qualifie de “pop hybride”, la jeune artiste de 24 ans parle sans tabou de sa vie comme de sa santé mentale. Des mots qui font résonner ses propres maux, à l'image de son titre “Paroxétine”, l’antidépresseur qu’elle a pris pendant un an et demi.
Savoir demander de l’aide
À la question “Comment vas-tu ? ”, Yoa répond sincèrement : “Ça va plutôt bien, je suis beaucoup moins angoissée en ce moment”. Ça n'a pourtant pas toujours été le cas pour l’artiste. D’origine suisse, la jeune femme a grandi à Paris. Plus jeune, Yoa souffrait de troubles de comportements alimentaires (TCA) et de paralysie du sommeil, un phénomène déclenché par le stress et l’angoisse et qui dissocie le corps et l'esprit : “Mon cerveau se réveillait, mais mon corps restait endormi, paralysé. Ça se manifestait souvent par des visions et des hallucinations, comme s’il y avait une présence dans la pièce. Je me réveillais chaque nuit en hurlant”. Il y a cinq ans environ, après un été rythmé par des crises d’insomnies, la jeune femme décide de dire “stop” et d’en parler à un professionnel : “Je ne dormais quasiment plus, et ça devenait vraiment insupportable”.
S'ensuivent plusieurs années de thérapie, qui continuent encore aujourd’hui : “Ça me donne un cadre, et cela m’aide à avoir des moments précis dans la semaine où je prends soin de moi et de ma psyché”, confie-t-elle. En prenant du recul sur ce travail sur elle-même, la chanteuse admet qu’elle demande plus facilement de l’aide aujourd’hui : “J’ai pris l’habitude de dire immédiatement lorsque ça ne va pas et de ne pas attendre les situations d’angoisses extrêmes”. Un franc-parler qui est devenu la marque de fabrique de ses titres, voguant de sa relation amoureuse à celle de son "cerveau cassé".
Génération santé mentale
Le confinement a opéré une prise de conscience collective sur l’importance de la santé mentale, notamment chez les jeunes. Les chiffres en témoignent : un jeune sur cinq présente des troubles dépressifs, selon l’enquête de Santé publique France publiée en février dernier. Le rapport précise que la part des 18-24 ans touchée a quasiment doublé depuis 2017. Plus armée que les autres de son âge face à ces sujets, la chanteuse estime avoir mieux vécu la période "covid" que beaucoup de ses proches. Déjà en thérapie à cette époque, Yoa continue des rendez-vous réguliers en visioconférence avec sa psy.
Trois années, et de nombreux confinements plus tard, le sujet de la santé mentale reste gravé au marbre de l’actualité. À l’image de la création de la journée de la santé mentale positive, célébrée ce 15 mars. Cette première édition a été créée par le projet Ambassadeurs santé mentale et soutenue par le ministère de la Santé et de la Prévention. Selon la marraine de l’évènement, la professeure de psychologie Rebecca Shankland, cette journée vise à promouvoir “le bien-être, l'épanouissement, la réalisation de soi et l’engagement social, malgré les aléas de la vie”. Pour cela, 150 bénévoles interviennent auprès des adolescents afin de lutter contre les stigmatisations et pour les diriger vers des structures adaptées.
Si Yoa décrit parfaitement cette “génération santé mentale” dans ses chansons, la jeune artiste ne prétend pas pour autant en être l’effigie. Le rôle de “porte-parole” lui est tombé dessus sans qu’elle s’en rende compte. Et l’écho de ses chansons se reflète dans les premiers messages de fans reçus sur Instagram : “Je ne réalisais pas du tout l’impact de mes textes avant que des personnes me disent que ça les aidait, que ça leur faisait du bien. Tant mieux si mes chansons peuvent aider les autres”.
Normaliser la honte
“C’est important de parler de santé mentale, j’ai du mal à comprendre pourquoi ce sujet est tellement tabou”. Si elle n’est pas à l’aise avec le concept d'art-thérapie et l'idée de se soigner seulement de cette manière, Yoa reconnaît tous les bienfaits qui lui sont procurés par la scène : “Je ne me dis jamais que j’écris pour me soigner, même si, au fond, je pense que ces chansons m’ont quand même beaucoup aidée. Depuis qu’elles sont sorties, je me sens plus en paix avec moi-même”.
Aujourd’hui, projetée doucement sous le feu des projecteurs, enchaînant les premières parties et les "featuring" (notamment avec le rappeur Georgio), Yoa ne tient pas à retomber dans un cercle vicieux. Il n'est plus question de "faire des bêtises", mais bien de prendre soin d'elle. “L’entourage joue énormément sur la santé mentale”, insiste l’artiste, qui affirme avoir fait une “sorte de tri” dans ses cercles sociaux : “J’ai retiré les dernières personnes qui étaient nocives de mon quotidien, pour garder un entourage professionnel et amical sain. Ils m’aident à anticiper les passages à vide comme ceux de surexposition, qui surviennent avec le début du succès”. Une manière aussi de garder les pieds sur terre, et la tête froide... Sans pour autant empêcher la jeune chanteuse de créer un univers musical qui lui est propre. Et apprécié par beaucoup.
Perrine Basset © CIDJ
Article mis à jour le 15-03-2023
/ créé le 13-03-2023
Crédit photo : Lola Dubas