- actualité
Deux députés épinglent l'enseignement privé français
- Avant le bac
Deux élus, de deux bords politiques différents, arrivent aux mêmes conclusions au sujet de l’enseignement privé. Ils dénoncent son fonctionnement, l’absence de contrôle et le peu de transparence sur l’utilisation faite des aides financières de l’État. Et ils demandent de la rigueur, voire des sanctions.
De l’argent public au parcours inconnu
« Depuis 1959, des établissements d’enseignement qualifiés de « privés » peuvent, s’ils répondent à un besoin scolaire reconnu, conclure avec l’État un contrat par lequel ils s’associent au service public de l’éducation. » Et pour la rentrée 2022, cette contribution privée au service public de l’éducation rassemblait 17% des effectifs d’élèves français et touchait pour cela environ 10 milliards d’euros d’argent public. De quoi intéresser les députés Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance) qui décrivent dans un rapport leurs difficultés à y voir clair dans un univers bien opaque. En guise d’introduction, ils affirment que « aucune administration ou institution n’est en mesure de fournir un montant consolidé de la dépense allouée aux établissements privés. » Le rapport relève aussi l’insuffisance de contrôles censés être conduits par les autorités publiques : les députés ne dénombrent que cinq audits en 2023 pour 7 500 établissements. Ainsi, une école privée serait hypothétiquement contrôlée tous les 1 500 ans… Sans surprise, les élus formulent 55 propositions dont certaines visent à mieux tracer ces financements publics, chose impossible en l’état par manque de personnel qualifié. Ils prônent le recrutement d’auditeurs et l’allocation d’un budget consacré à leur mission de contrôle. Car, les conclusions du rapport soulignent que certains établissements reproduisent une même élite scolaire, et qu’une dégradation de la mixité sociale reste à craindre au sein du système privé.
Mixité sociale et laïcité remises en cause
Aussi, pour rappeler les établissements à leur devoir, les députés proposent des mesures contraignantes pour imposer davantage de mixité sociale : des moyens supplémentaires pour les établissements respectant ce critère et un malus diminuant la dotation financière de ceux qui ne le prennent pas en compte. Parmi les établissements concernés, dont 95% sont catholiques, une proposition émet la possibilité de rendre obligatoire la transmission d’un dossier détaillé sur le volume d’heures dispensé aux élèves par établissement. En effet, certains cours ne durent que 50 minutes, contre les 55 réglementaires. Les rapporteurs craignent que le temps économisé sur les cours ne serve ensuite qu’aux enseignements religieux, comme le catéchisme. Dans leur dossier, ils pointent aussi l’absence de contrôle des inspecteurs de l’Éducation nationale sur les cours donnés par les professeurs, bien qu’ils soient formés et rémunérés par le biais de l’État. Enfin, le rapport dénonce certaines pratiques qui, dès l’inscription, questionnent la religion de l’élève. De même, les députés mettent en lumière le principe inégalitaire de sélection des élèves, avec des établissements qui excluent les jeunes ayant des résultats insuffisants, histoire de ne pas entacher la renommée de l’école. Une pénalité financière pourrait là encore être envisagée. Le député Paul Vannier avance même un montant remboursable à l’État de « 10 000 euros par élève interdit de poursuivre son parcours scolaire au sein de l’établissement ». Soit une lourde somme pour une sanction disciplinaire. De quoi inciter les mauvais élèves à revoir leur copie.
Perrine Basset Fériot © CIDJ
Actu mise à jour le 18-04-2024
/ créée le 18-04-2024
Crédit photo : Monkeybusinessimages - iStock