Orientation Ancrés et ambitieux : ils ont fait le choix du Campus connecté

Zoé Ruffy
Publié le 11-02-2025

En bref

  • Étudier dans une école d’Aix-en-Provence sans bouger de Dieppe, en Normandie ? C’est possible, grâce au Campus connecté.
  • Le dispositif gratuit, né il y a 5 ans, propose aux étudiants des zones rurales de poursuivre des études supérieures en facilitant l’enseignement à distance.
  • Un moyen de limiter les frais liés aux études, de rester proche de sa famille et de faciliter la reconversion.
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Le Campus connecté de Dieppe (Normandie) a ouvert ses portes en 2021. Crédit : Zoé Ruffy - CIDJ
Manon, 22 ans, a choisi le Campus connecté pour suivre ses études à distance. Crédit : Zoé Ruffy - CIDJ

Un dispositif qui souffle sa 5e bougie

Vaste plage de galets, maisons à briques, pont tournant surplombant le port et causeries incessantes des goélands, pas de doute, nous sommes à Dieppe. Commune normande de 28 000 habitants, prisée par les marins pêcheurs et les adeptes du cerf-volant, beaucoup moins par les étudiants. C’est pourtant ici que Géraldine a décidé de s’implanter afin de poursuivre ses études de psychomotricité. L’ancienne militaire souhaite s’installer dans la ville aux quatre ports, pour se rapprocher de ses parents, tout en suivant les cours dispensés dans son école privée, basée à Aix-en-Provence. “Aider et accompagner les gens, c’est ce qui m’a toujours fait me lever le matin”, confie Géraldine, en plein entretien informel pour rejoindre le Campus connecté. Ce dispositif, apparu en France il y a cinq ans, permet aux habitants des zones rurales de se lancer dans des études postbac, à distance, tout en bénéficiant d’un lieu dédié et d’équipements informatiques mis à disposition. Implanté dans 89 communes aux quatre coins du territoire, d’Apt, à Hirson, sans oublier Saint-Omer, Autun, Brive, Mamoudzou ou encore Saintes, le Campus connecté a ouvert son antenne dieppoise en 2021, en plein centre-ville.

"On peut se tutoyer, tu sais.” En face de Géraldine, c’est Amélie Verdière, qui pilote l’entrevue. La responsable de cette classe pas comme les autres, prend des notes. “Les étudiants doivent faire acte de présence, minimum douze heures par semaine. Je ne suis pas rigide en cas d’empêchement, mais il faut me prévenir, sinon je m’inquiète, comme une maman ! ” sourit la tutrice, en se tournant vers son élève Manon D, hilare et se sentant visiblement concernée. L’étudiante de 22 ans a rejoint le Campus connecté en 2023 pour entamer sa troisième année de licence d’anglais. “Notre première rencontre n’a pas été facile”, se souvient la tutrice. Si Manon se plaisait bien dans son ancienne vie, ses notes n’ont pas suivi. Alors inscrite à l’université de Rouen, en présentiel, durant ses premières années de cursus, “j’ai un peu trop profité”, admet l’ancienne fêtarde, “je sortais tous les soirs, il y avait toujours quelque chose à célébrer”, l’empêchant de se concentrer sur ses cours. C’est en rentrant de vacances à la fin de l’été 2023 que sa mère lui annonce qu’elle rendra son studio rouennais à la rentrée pour intégrer le Campus Connecté, installé à deux pas de chez ses parents. “Je n’étais pas ravie au début, plaisante la jeune passionnée d’anglais, mais, avec le recul, je m’épanouis davantage ici, on a un vrai cadre de travail et une super coach pour nous motiver !”

Le rôle d’Amélie Verdière est bien d’accompagner les étudiants moralement, “chacun selon ses besoins” assure la responsable, si certains habitués de l’enseignement à distance s’avèrent très autonomes, d’autres ont besoin d’un peu plus d’encouragement. “Je me suis déjà retrouvée en bas de chez un étudiant” pour le convaincre de ne pas baisser les bras. Sur le campus de Dieppe, une trentaine de chanceux ont déjà croisé la route d’Amélie, pour autant de raisons différentes. “Je n’ai fait qu’une journée à l’école de Rouen, et je l’ai très mal vécu”, confie la deuxième Manon de cette promotion, aujourd’hui inscrite en BTS Gestion de PME à Poitiers. Du haut de ses 18 ans, l’étudiante n’a pas supporté la distance avec sa famille. Quant à Eva*, 43 ans, “étant maman de trois enfants, je ne peux pas me permettre de déménager comme ça !” : au campus, elle tente de décrocher son diplôme de prothésiste dentaire. Motifs financiers, familiaux, liés à la santé, à leur statut de jeunes aidants, les freins à la poursuite d’études ne manquent pas, surtout en zones rurales. En Seine-Maritime, seule la moitié des lycéens s’oriente ainsi vers des études supérieures et les études sont en moyenne un an plus courtes que dans les départements comparés par l’INSEE. Cofinancé par l’État, la Région Normandie et la communauté d’agglomération, le dispositif fait partie d’un bouquet d’initiatives mis en place pour favoriser le développement de l’offre d’enseignement supérieur dans le pays dieppois, volonté affichée par les élus de l’agglomération.

Certains bénéfices, moins directs, participent aussi à l’adhésion du Campus connecté par les étudiants. “Chez moi, toute seule, j’aurais vite décroché” assure Natacha*. À 47 ans, la Dieppoise, en reprise d’étude de lettres modernes, révisait tous les jours à la médiathèque, située juste en face, avant de connaître le Campus et de voir son quotidien d’étudiante en distanciel transformé. “Ici, on a un vrai espace de soutien, on peut partager nos inquiétudes, nos doutes, des conseils de méthodologie aussi.” Cours en visio, polycopiés qui s’entassent, manque de contact direct avec les professeurs, si le Campus connecté ne supprime pas totalement les difficultés liées à l’enseignement à distance, l’ambiance de travail, elle, est considérablement améliorée. “Le midi, on peut déjeuner ensemble. Quand on en a plein la tête des devoirs, on sort se promener pendant dix minutes pour souffler un peu” ajoute Manon D., derrière sa pile de cahiers. La tutrice résume : “ici, on est seuls à plusieurs !” Amélie Verdière, qui décrit sa classe comme une “bulle familiale”, tente aussi d’animer cette vie de campus qui manque parfois aux plus jeunes. “En ce moment, j’essaye de créer un bureau des étudiants” afin de fédérer chacun, y compris, hors-les-murs. De quoi faire également connaître ce Campus connecté dieppois, pour entraîner toujours plus de jeunes vers des études longues et faciliter leur réussite.

*Les prénoms ont été modifiés.

Focus

Campus connecté : comment s’inscrire ?

Pour rejoindre l’un des 89 Campus connectés français, il faut d’abord s’inscrire à une formation proposée, à distance, dans l’enseignement supérieur français, via Parcoursup, Monmaster, ou bien via l’établissement de votre choix selon ses modalités et le calendrier d’inscription de chacun. Rapprochez-vous ensuite du Campus connecté à proximité de votre domicile. L’accès au Campus est gratuit, en revanche, les établissements proposant des formations à distance fixent librement leurs tarifs desquels vous devrez vous acquitter. Pour savoir quel Campus connecté est ouvert près de chez vous, n’hésitez pas à consulter la carte officielle, disponible en ligne sur le site internet du gouvernement.

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