Interview Médecin légiste : mon métier me permet d'apprivoiser la mort

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Publié le 20-08-2012

En bref

  • Le professeur Éric Baccino, chef de service de médecine légale au centre hospitalier universitaire (CHU) Lapeyronie à Montpellier, nous dévoile les dessous de son métier passionnant et plus varié que l’on ne croit : celui de médécin légiste.
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Médecin légiste : mon métier me permet d'apprivoiser la mort Crédit : Piron Guillaume - Unsplash

Les Experts, NCIS… Avec les séries américaines, la médecine légale connaît un réel boom des vocations. Pourtant, ces séries font plutôt zapper le professeur Éric Baccino, médecin légiste depuis presque trente ans.

“Quand je regarde la télévision, c’est pour me détendre, et non pour repenser à mon travail ! Tout le monde regarde ces séries. L’image du métier est valorisante, mais un peu décalée : les gens imaginent cette médecine très technologique et centrée sur la mort alors que c’est plutôt une médecine du vivant. On ne fait pas de la médecine légale simplement pour voir des cadavres”, insiste Éric Baccino.

“Ce choix n’avait rien d’une vocation au départ, raconte-t-il. Je me suis d'abord tourné vers la gastro-entérologie [appareil digestif] et la médecine interne [diagnostic et prise en charge globale des maladies]. Mais je voulais faire de l’enseignement à l’université. J’ai eu une opportunité de le faire en médecine légale, je me suis lancé et j'ai adoré ça.”

Le département de médecine légale du CHU Lapeyronie s’occupe de 350 à 400 autopsies par an. Éric Baccino en pratique entre 80 et 100. “Le plus difficile en autopsie, quand on débute, ce n’est pas forcément la mort d’une personne, mais le risque de s’identifier, de projeter quelque chose de soi sur le cadavre. Mes étudiants peuvent avoir du mal à supporter de voir des jeunes du même âge qu’eux sur la table. Certains n’ont d’ailleurs pas pu continuer dans cette voie car ils n’arrivaient pas à prendre la distance nécessaire. Mais cela s'apprend.”

“Ma première autopsie la plus difficile à pratiquer était celle d’un enfant de 10 ans qui avait le même âge que mon fils à l’époque. Pour exercer le métier de médecin légiste, il faut arriver à transformer le corps en chose.”

Et les odeurs ? “Ce n’est pas facile au début. Aujourd’hui, je ne sens plus rien. Quand je rentre dans la salle d’autopsie, mon odorat disparaît et je le retrouve quand je sors.”

 

“La médecine légale est passionnante : elle est très variée, explique Éric Baccino. Mon travail consiste également à rencontrer et examiner les personnes gardées à vue et les victimes de violence ou d’agression pour récolter des indices et les interpréter.
Nous participons aux reconstitutions sur les scènes de crime, nous témoignons en tant qu’experts devant les tribunaux… Si je ne devais faire que des autopsies, je m’ennuierais.”

Mais, pour ce professeur de 56 ans, l’activité la plus gratifiante reste l’enseignement : “Je suis hospitalo-universitaire, donc je partage mon temps entre l’hôpital et l’université de médecine. C’est fatigant, mais passionnant. Transmettre mes connaissances en dommages corporels, par exemple, ou montrer les gestes à effectuer, c’est ce qui me plaît le plus.”

Travailler avec la mort à ses côtés, Éric Baccino avoue s’en être plutôt bien accommodé. “La plupart des gens ne parlent pas de la mort. Ils ont souvent peur de vieillir. Moi, mon métier de légiste me permet de me familiariser avec elle. Il me donne l’occasion de l’apprivoiser.”

Mais pas question que son travail empiète sur sa vie privée ! “Quand je suis chez moi, je ne repense jamais aux personnes que j’ai vues. Et je n’en rêve pas non plus…”

 

Comment se passe une autopsie ?
Les autopsies se déroulent en plusieurs étapes. D’abord, le légiste observe le cadavre sur place. Ensuite, à l’institut médico-légal, il décrit toutes les blessures. Puis, il sort tous les organes pour les examiner un par un. Après les avoir replacés, il recoud le corps pour que rien ne soit vu par la famille du défunt. L’observation des blessures et des organes peut prendre entre 1h15 et 4h.

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