Entretien Niels Rahou : l'art de raconter des histoires
En bref
- Niels Rahou est reconnu pour son travail en tant que scénariste, notamment pour Fiertés (2018), Diana Boss (2022) et Dear You (2025).
- Il a étudié au Conservatoire Européen d'Écriture Audiovisuelle (CEEA), une institution réputée pour la formation de scénaristes en Europe.
- Nous l’avons rencontré à l'occasion du festival Séries Mania à Lille pour connaître sa vision du métier de scénariste.
Est-ce que vous avez toujours voulu faire du cinéma ?
Pas du tout. Quand j'étais enfant, j'écrivais beaucoup de poèmes et des histoires courtes. Je savais déjà que je voulais écrire, c’est pourquoi j'ai suivi des études pour devenir journaliste : licence en histoire et sciences politiques à la Sorbonne. Je voulais travailler dans la presse écrite, mais en poursuivant mes études, je me suis rendu compte que se faire une place dans ce domaine était difficile. C'est comme ça que j'ai découvert le métier de scénariste, sans aucune culture cinématographique à l'époque. Quand j’ai commencé la formation, je ne savais même pas ce qu’était un scénario !
Comment définiriez-vous le métier de scénariste ?
Le scénariste est avant tout un raconteur d'histoires. C'est sa grande mission. Ces histoires peuvent être très variées : des personnages différents, dans des contextes différents, à des époques différentes, peu importe. La clé, c'est de se demander pourquoi cette histoire en particulier doit être racontée, pourquoi elle m'est chère et comment la transmettre. Peu importe le sujet, ce qui compte, c'est de savoir pourquoi cette histoire est importante et de la raconter de manière authentique.
Quelle est la série qui vous a le plus marqué ?
La première qui m'a vraiment marqué, c'est Fiertés sur Arte, réalisée par Philippe Faucon. C'était la première fois que je créais une série, et c'était pour une chaîne prestigieuse. J'avais moins de 30 ans et travailler sur un projet d'une telle envergure, avec un rôle principal joué par Benjamin Voisin, un acteur qui cartonne aujourd'hui, était vraiment spécial. Ensuite, j'ai eu la chance de travailler sur Skam France pendant quatre saisons. Cette série a eu un énorme retentissement. À Séries Mania, justement, il y avait des files d'attente jusque dans la gare de Lille pour rencontrer les comédiens et l'équipe. Une expérience surréaliste. On a eu des millions de vues sur Internet, et c'était incroyable de voir à quel point la série a touché les gens. Enfin, la dernière série qui me tient à cœur, c’est la prochaine que je n'ai pas encore écrite…
Avec toutes les nouvelles plateformes et séries qui sortent tous les jours, comment trouver une idée originale ?
L'intérêt de cette multiplication des plateformes, c'est qu'elles ont chacune une approche éditoriale spécifique. C’est vivifiant pour un auteur et cela stimule la création. Quand tu réfléchis à une histoire, ton cerveau fonctionne en termes de narration et de dramaturgie. Je note tout sur mon téléphone : des embryons d'idées, des concepts. Certaines idées s’appuient sur les tendances du moment, une série historique ou une série d’anticipation, par exemple. Ce qui compte, c'est de se dire : « Est-ce que cette histoire est racontée de manière originale ? » Il n'est pas nécessaire d'avoir une idée complètement révolutionnaire, car souvent, ce sont les histoires les plus simples et humaines qui sont les plus intéressantes.
Pourriez-vous expliquer la « règle d'or du scénario » ?
La règle de base, c'est qu'un scénario doit toujours suivre cette structure : un personnage a un objectif et se confronte à des obstacles pour l'atteindre. C'est la règle fondamentale qui guide tout ce que je fais. C'est celle à laquelle je reviens constamment. Si je suis bloqué dans l'écriture, c'est souvent parce que l'objectif du personnage n'est pas assez clair ou que son conflit n'est pas assez fort. Cela m'aide à avancer, à comprendre où le scénario pêche. C'est une règle simple, oui aide à créer des personnages, à définir leurs objectifs et à créer ce qui les empêche d'atteindre ces objectifs.
Est-il indispensable de suivre une formation pour devenir scénariste ?
Une formation n'est pas obligatoire pour devenir scénariste, ni même le talent. Le scénario répond à une écriture très codifiée, loin de celle du roman. Il y a cependant des règles de dramaturgie, et elles peuvent être apprises en formation, comme j'ai pu le faire au CEEA. C'est une formation très intéressante, diplômante, mais un peu élitiste, car elle est très sélective. Ce qu'il faut comprendre, c'est que le scénario repose sur des règles dramaturgiques, comme les conflits, les arcs dramatiques, les cliffhangers…
Un dernier conseil pour quelqu’un qui voudrait se lancer ?
Je dirais simplement : « Faites-le ! » C'est un métier qui n'est pas très connu et qui manque souvent de visibilité. Quand j'étais jeune, je ne savais même pas ce qu'était un scénariste. Pourtant, ce métier est essentiel dans l'industrie du cinéma et des séries. Vous n'avez pas nécessairement besoin d'une énorme culture cinématographique. Ce qu'il faut, c'est aimer raconter des histoires. Si vous aimez imaginer des histoires et les partager, c'est déjà un bon point de départ. L'essentiel, c'est de se poser la question : « Est-ce que j'ai envie de raconter cette histoire ? » Si oui, allez-y. La formation, ce sont juste des outils, des codes à apprendre. Mais le cœur du métier, c'est vraiment ça : l'envie de raconter une histoire.