Pas si grave Echec scolaire ou professionnel : la fin d'un tabou ?

Laura El Feky Laura El Feky
Publié le 15-06-2024

En bref

  • Que ce soit un examen raté, un entretien professionnel manqué ou un projet important qui échoue, les parcours sans embûches sont rares, pourtant l’échec est souvent passé sous silence.
  • Heureusement la société change et l'échec se dévoile plus facilement, comme en témoigne le nombre de livres, témoignages ou conférences sur le sujet qui se multiplient ces dernières années.
  • Loin d'être un simple revers, l'échec est surtout l'occasion de se remettre en question, offrant des leçons précieuses qui jalonnent un parcours.
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L'échec pousse à nous interroger sur ce qui a mal tourné, contrairement au succès, qui incite rarement à cette introspection. Crédit : Gratisography

Incrédulité devant l'échec : une réaction normale

Il y a quelques années, au mois de juin Marie-Caroline vivait un moment difficile. « Les résultats de l’examen final étaient affichés à l’école. Ne voyant pas mon nom sur la liste des admis, c’était comme si le monde s’écroulait » se raconte-t-elle. Après trois années de formation à l’Institut régional de travail social (IRTS) de Caen, elle rate de peu la moyenne à une épreuve et est ajournée au diplôme d'Etat d'assistant de service social. Le choc est rude pour l’étudiante. « J’étais effondrée, déprimée, en colère. On se sent nul, on se demande si on a fait le bon choix d'orientation » confie-t-elle. « Les réactions face à l'échec varient d’une personne à l'autre » souligne Anna Piot, coach qui reçoit en consultation des ados et jeunes adultes. « On peut ressentir tristesse, honte et une baisse d’estime de soi souvent accompagnées d'un sentiment d'injustice, car on a l'impression d'avoir tout donné pour rien. Des émotions difficiles, mais qu'il vaut mieux accepter. « Une émotion refoulée finit toujours par revenir en boomerang » prévient la coach. A 20 ans, Sylvain Tillon, tout juste diplômé d'une école de commerce, lance Lucyf’Hair, une boîte d’accessoires pour cheveux. Il ne s'imaginait pas devoir déposer le bilan quelques années plus tard. « Je suis passé du jeune entrepreneur ambitieux au looser qui a planté sa boîte. Ma copine m'a quitté, je n'étais plus invité aux soirées et le liquidateur m'a traité comme un voyou », raconte-t-il. « C’était très dur, mais des amis entrepreneurs, passés par là, m'ont aidé à remonter la pente. » Depuis, il a coécrit "100 conseils pratiques pour couler sa boîte" et enseigne l'échec à HEC ainsi qu'à l'École de management de Lyon et de Grenoble.

« Se replier sur soi est une réaction naturelle, mais il est essentiel, dans un second temps, de faire un pas vers l'extérieur et d’en parler à une ou deux personnes de confiance avec qui on peut être vulnérable », conseille la coach Anna Piot. Discuter avec un proche, consulter un thérapeute ou pratiquer l'écriture peuvent aider à accepter l’échec et à le surmonter. « Pour les entrepreneurs, il existe aussi des associations comme Second Souffle ou 60 000 Rebonds », ajoute Sylvain Tillon. Marie-Caroline, elle, a sollicité ses anciens tuteurs de stage pour un avis objectif. Leur soutien l'a confortée dans son choix de carrière et l'a encouragée à repasser l’examen en candidat libre. « Il faut choisir une personne capable d'écouter sans chercher à nous réconforter à tout prix ou à dire seulement ce qu'on veut entendre », précise Anna Piot, qui insiste sur l'importance de reconnaître sa part de responsabilité dans l’échec, sans se victimiser. L'échec étant une partie intégrante de l'apprentissage, quatre chercheurs français ont d'ailleurs lancé Negative Results, une revue scientifique dédiée aux travaux innatendus en biologie, valorisant les échecs qui peuvent guider d'autres chercheurs vers de futures découvertes.

Les leçons tirées d'un échec scolaire ou professionnel ne sont jamais enseignées à l’école. « On n'a pas de recette pour réussir, mais on apprend beaucoup de ses échecs » affirme Sylvain Tillon, entrepreneur. « L'échec pousse à nous interroger sur ce qui a mal tourné, contrairement au succès, qui incite rarement à cette introspection. « Qu’est-ce que j’ai fait pour ce projet ? Qu’est-ce que je n’ai pas fait pour ce projet ? Qu’est-ce que j’aurai pu faire autrement ? » Ce recul aide à réajuster ses aspirations futures. Sylvain Tillon admet que son premier projet était trop ambitieux, notamment en s'ouvrant trop vite à l'international. Avec sa deuxième boîte, il a opté pour plus de simplicité en proposant un service au lieu d'un produit, limitant ainsi les risques financiers. « Au début, on ne veut surtout pas entendre que ce n’est pas grave » explique Marie-Caroline, qui a échoué de peu à son diplôme de fin d'études « On se sent vraiment mal et l’échec paraît insurmontable.» La coach Anna Piot souligne qu'il est une erreur de minimiser à tout prix un échec, mais qu'on peut dédramatiser la situation. « Ne vous enfermez pas dans l’identité d’une personne qui a échoué. Dans la vie, l'échec est une étape, pas une fin en soi » rassure-t-elle. 

Un échec bien vécu peut se transformer en opportunité. Quelques semaines après avoir accusé le coup des résultats, Marie-Caroline se demande comment tirer parti des dix mois qui la séparent de l’épreuve à repasser. Après des recherches, elle choisit de s'engager dans un service civique et décroche une mission à la Croix-rouge. Cette expérience lui permet de travailler avec un public en situation de précarité, tout en appliquant les compétences acquises pendant sa formation d'assistant de service social. De son côté, après avoir coulé sa première boîte, et cumuler 12 000 € de dettes, Sylvain Tillon, alors âgé 26 ans se résout à chercher un emploi salarié. Une démarche, qui ne l’enchante guère mais qui vise surtout à rassurer ses parents. Après quelques entretiens d’embauche le jeune homme, convaincu qu’il n’arrivera pas à s’épanouir dans une boîte traditionnelle, se relance sur une création d'entreprise. « Je ne dirai pas que l’échec de ma première boîte a été un tremplin, parce que c’est quand même plus compliqué avec les banques et les partenaires financiers, mais en tout cas ça pose les fondations du succès » constate le jeune homme.  « On ne refait pas les mêmes erreurs. On en fait d’autres, des nouvelles, mais pas les mêmes » sourit Sylvain Tillon. « On apprend aussi beaucoup sur soi et sur nos limites, maintenant je sais qu'il y a des choses que je ne sais pas faire et je préfère embaucher des gens pour ça » reconnait l’entrepreneur qui comptabilise au total quatre créations de start-up, dont deux toujours en activité. 

Face à la question de savoir s'il faut abandonner ou persévérer après un échec, la coach propose un critère simple : « Si c’est un projet dans lequel on croit, qui procure des sensations positives de découverte, d’apprentissage, d’épanouissement, alors l’échec n’est qu’un obstacle à surmonter. En revanche, si toute joie, plaisir, ou espoir ont disparu, il est peut-être temps de se demander si ce projet est vraiment fait pour soi », conseille-t-elle. Aujourd’hui en poste, Marie-Caroline se souvient de son premier entretien après avoir obtenu son diplôme. Elle avait abordé son échec en toute transparence avec le recruteur. « En parler, ne signifie pas mettre l’accent dessus, avertit la coach Anna Piot. Il s'agit plutôt de l'intégrer dans le parcours, au même titre que des études ou un examen. On peut expliquer les enseignements tirés de cet échec, comment on l'a vécu. Reconnaître que ce n'était pas facile, mais que cela a permis de rebondir, ou même que l'échec a conduit à changer de direction et à trouver une voie plus adaptée », recommande-t-elle. L'échec devient socialement plus acceptable, une évolution dont se réjouit Sylvain Tillon. « Il ne s'agit pas de glorifier l’échec, car ce n’est pas agréable à vivre » nuance-t-il. Ni pour l’entrepreneur, ni pour les équipes embarquées dans l’aventure d’ailleurs. « Ne plus en faire un tabou permet d'en parler ouvertement, d'anticiper et de trouver des solutions à temps. Lorsqu'on crée une entreprise, échouer est courant, réussir l'est moins... mais cela n'empêche pas d'essayer », conclut Sylvain Tillon.

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