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Parcoursup : les licences "Oui si" boudées par les étudiants ?
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Depuis 2018, il est possible d'intégrer une université dans un parcours aménagé. Ce sont les admissions en "Oui si" sur Parcoursup. Plus de 100 000 propositions ont été faites en 2020, mais seules près de 31 000 ont été acceptées par les étudiants.
« Pour l'année 2020-2021 nous n'avons aucun étudiant en licence réussite ». C'est le constat amer de Chrystelle Lecœur responsable de la licence droit de l'université Haute Alsace à Mulhouse. Pour la première fois en 10 ans, la licence réussite, qui permet de suivre une licence en droit en 4 ans, n'a rassemblé aucun étudiant. Dans les universités, les parcours de ce type sont proposés aux étudiants qui reçoivent une proposition en "Oui si" via Parcoursup. C'est-à-dire aux étudiants dont le dossier ne respecte pas l'ensemble des attendus pour la formation visée. Sur plus de 100 000 propositions, près de 31 000 ont été acceptées par les étudiants en 2020.
La licence en 4 ans : un frein pour les étudiants
Les licences "Oui si" des universités peuvent prendre des formes variées : licence en quatre ans, première année en deux ans, tutorat, cours de soutien, aide aux devoirs, cours de méthodologie... Les parcours qui n'impliquent pas une année d'étude supplémentaire sont, en général, plutôt bien compris par les étudiants. « Le tutorat fonctionne bien, les étudiants l'acceptent mieux parce qu'ils se sentent accompagnés sans pour autant avoir le sentiment de "perdre" une année » explique Chrystelle Lecoeur. En revanche, les dispositifs qui impliquent une année supplémentaire pour l'obtention de la licence (licence en quatre ans ou première année en deux ans) sont plus difficiles à accepter. Pourtant, les derniers chiffres officiels sur la réussite en licence montrent que moins d'un étudiant sur deux obtient son diplôme en trois ou quatre ans.
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En licence AES à Bordeaux, le parcours "Oui si" consiste en une L1 en deux ans. « Nous sommes partis du constat que seuls 30% des étudiants de cette filière passe la première année en un an. Cela signifie que pour 70% des étudiants, la première année se fera en deux ans, avec un redoublement » explique Émilie Riffard responsable de la licence 1 AES. « Nous nous sommes dit que proposer une première année en deux ans, permettrait d'anticiper et d'organiser au mieux ces deux années. »
« Parfois, les étudiants ne comprennent pas l'avantage qu'ils peuvent tirer de ce type de parcours » explique Yves Markowicz directeur du département de la licence Sciences et Technologies de l'université de Grenoble Alpes. Pour Agathe, étudiante en parcours accompagné à la faculté d'AES à Bordeaux, « j'avais vraiment une mauvaise image de ces licences. J'avais tendance à penser que je n'avais pas besoin de mise à niveau et que je pourrais m'en sortir en licence classique. Il s'est avéré que j'avais tort ». La jeune femme, admise en parcours classique a finalement rejoint, après des résultats insuffisants au premier semestre, la licence accompagnée proposée par l'université de Bordeaux.
Les parcours "Oui si", victimes des idées reçues
Passer par un parcours aménagé, s'accompagne souvent de la peur d'être stigmatisé. Le fait d'être séparé des licences classiques peut être mal vécu par les étudiants. « J'ai l'impression qu'il ne faut pas proposer un parcours trop différencié par rapport à la licence classique. Car les élèves en "Oui si" ont tendance à se sentir stigmatisés, surtout lorsqu'ils réintègrent le cursus classique » remarque Émilie Riffard de l'université de Bordeaux. Dans cet établissement, les étudiants en "Oui si" sont avec les autres étudiants pour les cours en amphi.
D'autres idées reçues entourent les licences aménagées. Certains étudiants pensent que suivre ce type de licence jouera en leur défaveur au moment de la sélection en master 1. « Il vaut mieux passer par un parcours aménagé et réussir, plutôt que prendre le risque d'échouer et redoubler sa première année » rappelle Yves Markovicz de l'Université Grenoble Alpes. A Bordeaux, Émilie Riffard tente de déconstruire cette idée reçue. « Passer par un parcours accompagné n'est inscrit nul part dans le dossier des étudiants. De fait, ça ne jouera pas en leur défaveur lorsqu'une sélection s'opérera à l'entrée en master 1 ».
Pour Chrystelle Lecoeur, « un étudiant qui réussit sa licence, même s'il est passé par une licence en 4 ans, montre qu'il est en capacité de voir et d'accepter ses faiblesses et surtout de les surmonter ».
Licences "Oui si" : s'informer dès le lycée
Si les idées reçues autour des licences aménagées ont la vie dure, c'est aussi à cause d'un manque de communication autour de ces parcours. « Les licences aménagées ne sont souvent pas comprises par les élèves » analyse Chrystelle Lecoeur de l'université Haute Alsace. Mathieu a validé son bac S de justesse. « Au lycée on ne nous avait pas expliqué ce qu'était une admission en "Oui si". Donc je ne connaissais pas vraiment ce type de licence ». C'est une fois à la fac, que le jeune étudiant en a appris davantage. « J'ai alors compris que c'était important pour moi de passer par cette année-là. »
Au lycée, Joey, étudiante en année de mise à niveau à l'université de Grenoble Alpes, a dû s'informer par elle-même. « On nous a peu parlé des parcours "Oui si". L'essentiel des informations concernaient les licences classiques ou les autres filières. J'en ai plus appris au moment où j'ai reçu mes propositions d'admission directement sur le site de Parcoursup ». Une mauvaise information qui, selon la jeune étudiante, participe à la mauvaise image de ces licences. « Ces parcours sont tellement peu expliqués, que beaucoup de lycéens pensent qu'une année de mise à niveau ne sert à rien ».
Angélique qui, après un bac littéraire, a intégré un parcours aménagé en licence Sciences et technologies a également dû se débrouiller pour s'informer. « Je me suis renseignée via le site web de l'université et lors de la journée du lycéen, j'ai rencontré le directeur de la licence que je souhaitais intégrer qui m'a expliqué ce qu'était la licence propédeutique (une année pré-L1 de mise à niveau, ndlr) ». Pour la jeune femme, « il ne faut pas hésiter à se renseigner sur ces filières, que ce soit au lycée ou directement auprès des établissements qui sont toujours de bons conseils ».
« Parfois, par manque d'informations, les lycéens vivent l'admission en licence aménagée comme un échec » analyse Chrystelle Lecoeur. « Alors qu'ils devraient la voir plutôt comme une chance ».
Une chance de réussir à l'université
Après son bac L, Angélique souhaite intégrer une licence en sciences et technologies. Consciente de son profil atypique, elle demande d'intégrer le parcours "Oui si" dans son projet de formation motivé. « Il me semblait intéressant de me mettre à niveau surtout en maths et en physique, des matières que je n'avais pas suivies depuis longtemps ». Sans ce type de licence, la jeune femme n'aurait, peut-être, pas pu intégrer cette licence. « Malgré des lacunes et difficultés, la licence "Oui si" donne la possibilité d'intégrer l'université. Il ne s'agit pas de perdre une année, car la mise à niveau permet ensuite de suivre plus sereinement un parcours. Je préfère ça, plutôt que de vivre un redoublement en première année ».
Pour Joey, « il faut se dire que si l'établissement nous fait cette proposition d'admission, c'est pour une bonne raison. C'est que, quelque part, il y a des lacunes à combler. Il suffit de l'accepter et de se dire que c'est une aide, une main qui nous est tendue ».
Agathe a rejoint un parcours aménagé après un échec au premier semestre de licence AES : « J'ai eu des résultats tellement faibles que ce n'était pas rattrapable au second semestre. On m'a alors proposé d'intégrer la licence accompagnée pour m'éviter le redoublement ». S'il est possible d'intégrer un parcours aménagé en cours d'études, l'inverse est aussi parfois vrai. A l'université Haute Alsace, « on peut sortir de la licence réussite si on valide son premier semestre et que les résultats sont suffisamment bons » explique Chrystelle Lecoeur.
Avec le recul, les étudiants en licence aménagée ont un regard positif sur ces dispositifs. « Les professeurs prennent le temps d'expliquer les choses. Quand on est au lycée, on voit des notions très rapidement. Une année de mise à niveau est l'occasion de revoir ces notions » explique Mathieu. Le fait de se retrouver en petit groupe a ses avantages. « Les professeurs sont attentifs à chacun d'entre nous, à nos besoins et à nos difficultés. On se sent suivi presque de manière individuelle ce qui nous redonne confiance » détaille Angélique.
Intégrer une licence aménagée peut aussi être un premier pas dans les études supérieures. Force est de constater que des étudiants intègrent ces parcours plus par défaut que par choix. « Certains se sont inscrits à la fac parce qu'ils n'ont pas été pris ailleurs. Mais ils ne sont pas forcément à leur place » explique Émilie Riffard. « Ce qui est intéressant dans les licences "Oui si", c'est que nous suivons de manière plus personnalisée les étudiants et nous pouvons les accompagner aussi quand ils envisagent une réorientation ».
Marine Ilario © CIDJ
Article mis à jour le 30-11-2020
/ créé le 30-11-2020
Crédit photo : Jon Tyson - Unsplash