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Méditation : une pratique utile chez les 15-25 ans ?

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Méditation : une pratique utile chez les 15-25 ans

Très médiatisée, elle changerait la vie de ceux qui la pratiquent. Et elle s’invite même dans nos smartphones ! Que peut apporter la méditation lorsqu’on a 15, 20 ou 25 ans ?

La méditation dont on entend parler dans les médias, c’est la méditation de pleine conscience ou mindfulness. Dans un monde où l’on vit à cent à l’heure, où l’on multiplie les activités, les tâches, les loisirs, notre attention est très sollicitée et elle s’étiole. Ce qui fait que, parfois, on agit en mode automatique, on fait les choses sans même y penser. Et on finit par ne plus ne plus faire attention à ce qu’on vit ou à ce qu’on ressent à l’instant présent… Et, lorsque les activités quotidiennes diminuent, le soir notamment, les pensées, les émotions que l'on a mis de côté ressurgissent et prennent toute la place dans la tête, provoquant des ruminations, c'est-à-dire le fait de ressasser, de se répéter en boucle les choses qui nous ont contrarié. Cela retarde l’endormissement ou à la longue perturbe le sommeil.

Or prendre en compte comment on se sent et ce qu’on ressent est essentiel au bien-être, c’est ce que propose la méditation de pleine conscience. Il ne s’agit pas de ne plus penser –  c'est impossible – au contraire, il s’agit d’accueillir ses pensées sans jugement, ainsi elles passeront plus vite, ce qui permet de se concentrer sur l’instant présent sans anticiper le futur ni ruminer sur les choses passées.

Méditation : est-ce utile quand on a 15 ans ?

On pourrait croire que la méditation va plutôt concerner les adultes qui, jonglant entre diverses responsabilités familiales, professionnelles, etc., ont besoin de retrouver de la sérénité dans leur vie. C’est l’avis de Florence Millot, psychologue et psychopédagogue. « Se reconnecter à soi, c’est plutôt un truc d’adulte. Les adolescents n’ont pas assez de recul sur leur vie pour se dire "là, il faut que je fasse une pause". Et ils n’ont pas la charge mentale de leurs parents », explique-t-elle. Cela dit, l'adolescence est tout de même un moment compliqué de la vie, où se bousculent changements hormonaux, appréhension du regard des autres, stress dans le cadre scolaire… Tout ceci ayant une incidence sur les collégiens et lycéens et un impact sur leur mode de pensée, leur capacité à communiquer sereinement avec les autres.

« Les 15-25 ans peuvent aussi avoir besoin de faire de la méditation », affirme Stéphany Orain-Pelissolo, psychologue et psychothérapeute qui a notamment recours à la méditation lors de ses consultations.  « Chez les adolescents, la pratique de la méditation facilite le maintien de l’attention sur une tâche, aide à gérer le stress, à se calmer, à gérer ses émotions ou son impulsivité », précise-t-elle. La psychologue ajoute néanmoins que, tout comme chez les adultes, certains jeunes ne vont pas être réceptifs. « Lorsque je reçois un ado, souvent sur demande de ses parents qui veulent que leur enfant teste des techniques de méditation, on évalue ensemble avec lui si la méditation est appropriée. Parfois, une séance d’activité sportive sera plus efficace. »

Méditer avec des applications, c'est sérieux ?

Si elle estime que, plutôt que de méditation, les ados ont besoin d'images positives pour avoir envie d'avancer, pour s'auto-réguler et se calmer en ayant accès à leur monde intérieur, Florence Millot reconnait que les applications de méditation ne peuvent pas faire de mal. « Les jeunes n'ont plus la capacité à être seuls, si on leur enlève le smartphone ou la tablette, ils n'arrivent pas à développer leur monde intérieur grâce à leur imaginaire comme on pouvait le faire avant l'ère du tout numérique. Ils ont donc du mal à se rassurer eux-mêmes alors qu'ils sont dans un moment de la vie où les émotions ressenties sont décuplées. Ce qui peut marcher dans ces applis, ce sont les histoires qui permettent aux ados de se laisser porter car ils sont guidés. En revanche, les exercices, comme celui de respirer cinq fois de suite par exemple, ne sont pas très adaptés car ils se font dans le silence. Et le silence peut être angoissant pour un ado qui vit dans un environnement où il est sur-sollicité en permanence. »

Que valent les nombreuses applis gratuites ou payantes ? Elles sont souvent créées avec des spécialistes. « Elles ne vont pas très loin dans le processus de méditation, elles sont plutôt neutres, les ados ne vont pas se retrouver submergés par les émotions, assure Florence Millot. Le seul risque c’est de s’ennuyer ou d’abandonner ». « Les applis peuvent être bien pour démarrer. Mais elles ne répondent pas forcément aux interrogations qu'on peut avoir", souligne Stéphany Orain-Pelissolo.

Que se passe-t-il quand on médite ?

La méditation de pleine conscience est une méditation laïque qui n’a aucun rapport avec une quelconque spiritualité ou religion, elle est accessible à tous. Que se passe-t-il lorsqu'on médite ? Certaines études montrent que la méditation de pleine conscience a une incidence sur le cerveau en activant notamment les zones liées aux émotions positives. Dernièrement, le neurologue belge Steven Laureys s’est lui aussi penché sur la question et affirme, travaux de recherche à l’appui, que la méditation agit sur la plasticité du cerveau, c’est-à-dire sa capacité à pouvoir évoluer. Mais « la pratique de la méditation n'est pas quelque chose de magique, elle demande des efforts au début pour devenir quelque chose de naturel, prévient Stéphany Orain-Pelissolo. Pour les ados, entre 15 à 20 minutes par jour c’est déjà bien ». La méditation demande une certaine régularité. Mais il n’y a pas d’impératif, méditer quelques minutes, c’est bon à prendre, il ne faut surtout pas culpabiliser si on ne le fait pas tous les jours, ce n’est pas le but.

Pratiquer en groupe permet de pouvoir dire son ressenti, poser ses questions, débriefer, ce qu’on n’a pas avec les applis, mêmes si certaines d’entre elles proposent des foires aux questions voire d’envoyer un mail en cas de questionnements. Mais il faut faire attention, car la méditation étant très en vogue, il y peut y avoir des personnes mal intentionnées ou mal formées qui proposent des séances. Pour les adolescents qui veulent aller plus loin que les applications, il est préférable de se faire accompagner par ses parents pour trouver un professionnel du milieu médical ou paramédical ayant suivi une formation sérieuse et reconnue. Cela peut être un psychologue, par exemple, qui propose la méditation dans ses consultations. Par ailleurs, certains établissements scolaires ayant introduit la méditation dans leur pédagogie proposent une pratique encadrée.

Méditation : l’école s’ouvre à la pratique

Très en vogue dans des pays comme le Canada, la méditation à l’école est assez peu fréquente en France. Il existe pourtant des programmes de méditation de pleine conscience adaptés aux enfants et adolescents. L'association Enfance et Attention promeut leur développement en milieu scolaire. « Il s’agit de méthodes qui répondent à des critères exigeants et à un cadre rigoureux, même si le ministère de l'Éducation est assez frileux pour l'instant car cela sort du cadre culturel français », déclare Laurence de Gaspary, sa présidente.

L’association intervient en France, dans plus de 80 établissements publics ou privés, en majorité des écoles, mais aussi quelques collèges et lycées. Comment ça se passe ? Un instructeur membre de l’association intervient aux côtés d’un enseignant si la méditation est incluse sur le temps scolaire, sinon, cela se passe dans le cadre d’une activité périscolaire. Il s’agit du même programme que pour les adultes, soit un programme sur 8 semaines. Pour les collégiens et les lycéens, cela représente une séance hebdomadaire d’une heure couplée à dix minutes au quotidien. Le temps de méditation, les situations abordées (en lien avec ce qui préoccupent les adolescents), le vocabulaire, le ton et les supports sont adaptés. « On s’assied en cercle, cela peut être de dos, ainsi on n’est pas perturbé par le regard de l’autre dans un âge où le corps peut être un sujet délicat. La pratique se fait donc en groupe, car l’échange est très précieux. Les adolescents s’aperçoivent que ce qu’ils trouvent bizarre chez eux, ils peuvent le retrouver chez d’autres, ça les rassure. Ils comprennent aussi qu’il y a d’autres manières de voir les choses, ça les rend plus ouverts et plus tolérants. Ils communiquent mieux », explique Laurence de Gaspary.

« La méditation permet de ne pas être dans la réactivité immédiate et l'impulsivité. En observant leurs émotions, les adolescents prennent du recul pour décider de la manière dont ils vont agir », poursuit la présidente d’Enfance et Attention, qui rapporte que les relations entre enseignants et élèves s’en trouvent transformées.

La méditation pose-t-elle les bases de la société de demain ?

La méditation à l’école aurait un effet bénéfique sur les capacités scolaires, les capacités relationnelles des élèves, et, au-delà, elle apporterait un bien-être qui est de plus en plus recherché chez les jeunes générations. Ces dernières ont des aspirations que leurs parents n’avaient pas ou ne pouvaient pas avoir : prendre soin de la planète, faire un métier qui a du sens, prendre le temps de vivre… « Les 18-25 ans ont été les témoins des burn out [épuisement au travail] causés chez leurs parents. Ils ne veulent pas vivre ça et se montrent très intéressés par ce que peut leur apporter la méditation », constate Stéphany Orain-Pelissolo.

La pratique de la méditation est d'ailleurs entrée dans l’enseignement supérieur, là où les étudiants préparent leur avenir. Et ça marche. Hélène Paris, professeur de sport à l’université de Rennes, propose depuis deux ans un cours de méditation d’une heure qui fait le plein : « La méditation apporte un temps pour se poser et concourt au bien-être des étudiants. Idéalement, j’aimerais mettre en place une salle dédiée à la méditation dans chaque université ! » Julie Bayle-Cordier, professeur de responsabilité sociale des entreprises à l’IÉSEG, a mis en place depuis 3 ans un cours non obligatoire destiné aux 4e années, composé de huit heures de pratique formelle et de huit heures de débats et d’échanges, qui, lui aussi, ne désemplit pas : « Je souhaiterais donner ce cours plus tôt dans le cursus car mon objectif est d’impacter le management de demain. En créant un espace pour soi, la méditation permet de créer un espace pour les autres et encourage les comportements pro-sociaux [c'est-à-dire qu'on est plus altruiste, on se soucie des autres] ».


Où trouver des professionnels pour pratiquer la méditation ?
Association pour le développement de la Mindfulness
MBCT France
Enfance et Attention
=> En cas de questionnement sur un mouvement, une organisation, une association, il est possible de demander un avis à la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) sans que cela vaille un signalement.

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 12-03-2020 / créé le 25-02-2020